« Quand j'ai démarré la voile, je n'ai rencontré aucune barrière parce que j'étais une femme. J'ai été bien accueillie, j'ai même trouvé un sponsor assez rapidement. Nous n'étions vraiment pas nombreuses, mais j'étais persuadée que les choses allaient évoluer. Si j'avais réussi, pourquoi les autres n'y arriveraient-elles pas ? Mais, ce fut l'inverse. Plus le niveau augmentait, moins il y avait de femmes. »
Face à ce constat, Isabelle Joschke n'a pas baissé les bras. Bien au contraire. Après une année d'absence faute de sponsor, elle a fait son retour l'an dernier, au départ de sa sixième Solitaire du Figaro Eric Bompard cachemire, avec un nouveau sponsor, Generali, et une nouvelle ambition : promouvoir la mixité.
Pour cela, elle a cofondé l'association « Horizon Mixité » (1). «Notre but est de participer au changement des mentalités dans tous les domaines de la société», explique la jeune femme, aujourd’hui installée à Lorient. «Notre idée n’est pas de se cantonner au milieu de la voile. La voile, ce n’est qu’un point de départ ! Nous aimerions ainsi lancer prochainement un bus pédagogique avec des ateliers et une exposition itinérante pour toucher les écoles et le grand public lors de festivals ou de courses».
La voile, une passion découverte sur le tard
Née d’un père allemand ingénieur informaticien et d’une mère française professeur d'allemand, elle a grandi entre la région parisienne et la région de Genève. La voile, elle la découvre lors de vacances en famille sur des lacs en Autriche alors que personne n’en fait dans son entourage. Après son Bac, elle s'oriente vers des études littéraires sans avoir de métier précis en tête. Elle décide alors de suivre un stage de voile aux Glénans, en Bretagne : «Ça m'a pris du jour au lendemain. J’en ai fait un, puis deux... Je me suis retrouvée au large, sous le crachin, avec deux mètres de creux et un vent de force 5. Et j'ai trouvé ça génial. J'ai tout de suite accroché. Je me suis sentie vivante.»
Elle voyage, fait des rencontres qui vont changer sa vie : «A Lorient, j'ai fait la connaissance de personnes, dont deux femmes, qui participaient à la Mini Transat, en solitaire, sur un monocoque de 6,50 m. L'aventure qu'ils vivaient m'a paru incroyable. J'ai commencé à envisager de la tenter moi-aussi». Elle s’installe à Marseille, avant d’embarquer sur des voiliers aux Antilles et aux Etats-Unis. Le métier de skipper lui permet de mettre de l’argent de côté pour s’acheter, en 2004, son premier bateau. «Mon père m’a aidée à acheter une camionnette», confie-t-elle en rappelant que ses parents l’ont toujours soutenue. «Il est venu chercher mon voilier avec moi, sous la neige, pour le déplacer de Rotterdam en Bretagne. Une vraie aventure !» Isabelle participe à ses premières courses au printemps et obtient rapidement de bons résultats : «J’ai tout de suite pris goût à la compétition, cela vous pousse à dépasser vos limites et à vous donner à fond.»
Des résultats prometteurs
Dès sa deuxième saison, en 2005, elle trouve des sponsors et se lance dans une traversée de l’Atlantique sur le circuit Mini 6,50. «J’ai connu une grosse avarie dès la première étape, je n’avais plus de pilote automatique, j’ai dû barrer 22 heures sur 24 !», se souvient-elle. Loin de se décourager, elle finit 5e de la seconde étape, et 14e au classement général. Elle retente l'expérience deux ans plus tard et, cette fois, remporte la première étape de la course. Mais le vrai tournant de sa carrière reste sans conteste son passage dans la classe Figaro Bénéteau. En 2008, elle prend pour la première fois le départ de La Solitaire du Figaro et termine 3e bizuth. L'an dernier, pour sa 6e participation, Isabelle décroche la 16e place ; elles ne sont alors que deux femmes (pour trente-six hommes) à concourir.
Elle espère faire encore mieux cette année. «Ma force, c'est ma détermination et mon engagement», estime la jeune femme. Comme beaucoup de marins, Isabelle rêve de pouvoir s’engager un jour dans une autre course mythique : le Vendée Globe. En attendant, Isabelle Joschke espère qu’être une femme qui réussit dans le monde de la voile ne sera bientôt plus quelque chose d’extraordinaire : «J’aurais gagné quand ce sera devenu banal, que les femmes seront des skippers comme les autres aux yeux des journalistes et du grand public.». Ce sera assurément l’une de plus belles victoires de cette sportive engagée qui ne lâche jamais rien.
(1) Avec la journaliste Martine Gauffeny https://www.facebook.com/horizon.mixite ethttps://twitter.com/horizonmixite
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